Je découvre aujourd’hui une étude intéressante de Xavier Gabaix (New York University) et Augustin Landier (NYU également) sur la rémunération des dirigeants. Il est de bon ton dans le débat politique actuel, jusqu'à l'UMP, de prendre pour bouc émissaire les « patrons rapaces » et autres capitalistes « sans foi ni loi » pour enfin « moraliser le capitalisme », comprendre égaliser et uniformiser. Or, comme le montre Xavier Gabaix et Augustin Landier, la rémunération des dirigeants est cohérente avec la valeur qu’ils apportent à l’entreprise.
Le constat de départ des auteurs est la multiplication par six de la rémunération des dirigeants entre 1980 et 2003 aux Etats-Unis. Est-ce « excessif » ? Non pour les deux auteurs pour qui la raison n’est pas du tout dans une prétendue « rapacité » ni l’évolution des incentives mais tout simplement dans la multiplication par six de la taille des entreprises qu’ils dirigent. Entre 1980 et 2003, la valeur économique la capitalisation moyenne des 500 plus grosses entreprises cotées a été multipliée par six. C’est l’évolution que l’on retrouve dans la rémunération des dirigeants. Il est intéressant de noter qu’entre 2000 et 2005 (dernière année disponible dans l’étude), on a une dissociation des deux tendances, mais dans le sens inverse à celui que le français moyen pourrait attendre : la capitalisation augmente mais les rémunérations stagnent voire baissent.
Cette analyse fonctionne relativement bien pour les autres pays étudiés, comme l’illustre ce graphique (avec des données légèrement différentes), figurant la rémunération des dirigeants avec la taille des plus grosses entreprises.
Une seconde explication avancée par les le reste de la littérature académique déjà existante est l’évolution du métier de patron et en particulier le plus grand risque d’être licencié qu’auparavant avec la plus grande vigilance des actionnaires.
J’ai coupé la partie mathématisation de l’étude qui, en plus d’être peu digeste, aurait rebuté les plus autrichiens ;) On pourrait également trouver beaucoup à redire sur les hypothèses comme celles liant le talent à la taille de l'entreprise. Cela est probablement en bonne partie vraie mais, si la simplification passe dans une modélisation mathématique forcément incomplète, on peut douter qu'il en soit de même dans la réalité. Quid des rémunérations non matérielles comme le prestige, ou des satisfactions morales comme la volonté d'apporter quelque chose au monde de plus durable que des lessives?
En outre, on peut reprocher aux conclusions de l'étude un certain optimisme excessif : les dérives existent et existeront toujours. Cela tient probablement à la volonté des auteurs d'insister sur l'efficacité de leur modèle, quitte à gommer les nuances. Les dérives existeront toujours et la véritable erreur consiste à croire qu'un système parfait puisse exister. Les auteurs soulignent qu'il y a une logique dans l'évolution des rémunérations, c'est déjà beaucoup. Ne croyons pas qu'elle explique tout!
Xavier Gabaix est un économiste français qui enseigne à l’université de Princeton. Il est considéré par le panel de chercheurs de The Economist comme l’un des huit jeunes économistes les plus prometteurs à travers le monde.
Augustin Landier est un économiste français qui enseigne la finance à la New York University. Il a co-écrit avec David Thesmar Le grand méchant marché ainsi que de nombreux articles dans la presse française et internationale.
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