dimanche 25 janvier 2009

Presse française : Analyse intéressante

L'état moribond de la presse française a pour effet de faire naitre régulièrement des propositions de réformes diverses et variées, toutes se retrouvant dans la "nécessité" de plus d'argent public pour soutenir un secteur aux lourdes pertes. La dernière proposition de Nicolas Sarkozy n'y déroge pas, mettant 600 millions d'argent des contribuables en plus, pour socialiser les pertes des propriétaires, rarement dans le besoin, de ces journaux, et s'acheter le syndicat du livre CGT. Ce que d'aucuns résument pudiquement en "Pas d'affrontement direct avec le syndicat du Livre, en période de tensions sociales, mais des aides publiques pour aider à sauver la presse écrite."

Le Monde publie une analyse intéressante de ces mesures, qui plus est par un homme du sérail, Frédéric Filloux, ancien directeur de la rédaction de 20 Minutes. Dans un entretien, il montre les deux problèmes essentiels de ce subventionnement permanent : une presse subventionnée ne peut pas être indépendante du pouvoir et arroser de chèques public ces entreprises, c'est retarder des réformes nécessaires. Extraits:

Ce n'est pas un service à rendre aux entreprises que de les subventionner massivement. Dans le domaine de la presse papier, c'est suppléer à l'incapacité du secteur à générer des profits. En contrepartie de ces aides étatiques, les entreprises de presse devraient investir et se restructurer. Mais je doute qu'elles le fassent. La génération actuelle de patrons de presse soutient l'idée d'un système subventionné, aidé, plutôt qu'une réelle prise de responsabilité.
Nicolas Sarkozy a décidé de satisfaire la presse écrite. Par rapport à d'autres secteurs, la dépense est faible et le bénéfice politique important. Pour dire les choses crûment, il est plus important pour le gouvernement d'aider des journaux aux tirages faibles mais à l'influence certaine dans les sphères politiques, plutôt que d'aider des sites Internet à l'audience forte mais surtout lus par des jeunes.
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lundi 19 janvier 2009

Se souvenir de Friedman

Milton Friedman, prix Nobel d’économie en 1976, est bien mal aimé en France ; considéré par la majorité comme un fanatique suppôt de l'ultralibéralisme sauvage, il est tout aussi peu aimé des partisans de l’école autrichienne, sur Liberaux.org par exemple. Pourtant nombre de ses travaux sont particulièrement d’actualité aujourd’hui, mais cela implique de ne pas se cantonner à la seule de ses théories qui soit légèrement connue en France, le monétarisme. Hors le monétarisme, Friedman a ainsi écrit sur la théorie du revenu permanent et sur la temporalité des politiques de relance, deux sujets brulants (si, si) et pour lesquels il a reçu son Prix Nobel (il l'a été pour l'analyse de la consommation, l'histoire monétaire et la démonstration de la complexité des politiques de stabilisation »)

En 1957, alors qu’il est encore peu connu, Friedman écrit A Theory of the Consumption Function dans lequel il s’en prend à l’un des fondements de la théorie keynésienne, sa fonction de consommation, qui décrit la façon dont un ménage consommera en fonction de ses revenus. Pour Keynes, la consommation est fonction du revenu disponible à l’instant t. Dès lors, si le revenu augmente temporairement par un plan de relance, le consommateur consommera plus, prenant en compte ce revenu supplémentaire. Séduisant mais largement faux. Friedman observe que la consommation des ménages est beaucoup plus régulière que leurs revenus. Pour expliquer cette différence, Friedman propose son hypothèse du revenu permanent : le revenu d’un individu a deux composantes : une composante permanente et une composante transitoire. Ce qui compte ce n’est pas le revenu des ménages, mais leur estimation de leur revenu permanent,fonction de leurs revenus passés et l’anticipation qu’ils ont de leurs revenus à long terme. Pour que la consommation des ménages change, il faut que ce soit ce revenu permanent qui change, et un chèque gouvernemental n’y fera rien si l’économie est déprimée.


Dès lors, l’argumentation keynésienne ne tient plus : à quoi servirait une politique de relance, une baisse temporaire de la TVA comme au Royaume-Uni actuellement, si les ménages accumulent l’excédent de revenu dans des bas de laine sous leurs matelas ? A peu de choses à part creuser le déficit ! Cela a été ainsi vérifié dans des études américaines sur des baisses temporaires de fiscalité dans les années 1960, ainsi que, plus généralement de manière statistique. Il serait hâtif de dire qu’il en est toujours ainsi, ne serait ce qu’en raison de l’intervention d’autres facteurs pour expliquer les variations de la consommation et pour ne pas sombrer dans l’historicisme. Mais l’argument reste valable et largement vérifié…

Friedman porta un autre coup, plus violent, aux théories keynésiennes sur l’intervention étatique en période de crise : loin d’atténuer les crises, elle ne fait que les aggraver. Les politiques contra-cycliques (destinées à lisser l’évolution économique) sont en fait pro-cycliques (elles accentuent les cycles économiques). Friedman étudia cette question dans ses Essays in Positive Economics (1953). Dans ses recueil se trouve en particulier un texte, The Effects of a Full-Employment Policy on Economic Stability, écrit en 1951. Milton Friedman y souligne que l’action de l'État, quand elle se veut contra-cyclique, est marquée par des lags, des délais. Il estime ainsi entre 10 et 24 mois les délais entre le moment critique et le moment où l'État agit concrètement. Entre les deux, il y a un délai entre le moment où le problème survient et celui ou les hommes de l'État en prennent conscience, puis à nouveau un délai jusqu’à la décision des mesures à prendre, et enfin un troisième avant que les effets de ces mesures se fassent sentir. Il résume ainsi cette analyse des lags de l’action publique en 1962 dans Capitalism and Freedom :
There is likely to be a lag between the need for action and government recognition of the need; a further lag between recognition of the need for action and the taking of action; and a still further lag between the action and its effects
Ces théories de Friedman sont cependant bien loin d'être écoutées actuellement. Si on ne s'intéresse pas aux théories alternatives, qu'est ce qui peut expliquer cette obstination de l'intervention politique alors? Montrer qu'on agit pour ne pas passer pour Mister Do-Nothing, répondre à la demande exprimée sur le marché politique en somme. Autant de questions qui mériteraient un article à part...

Liens intéressants :

jeudi 15 janvier 2009

Le scandale de la rémunération des dirigeants ?


Je découvre aujourd’hui une étude intéressante de Xavier Gabaix (New York University) et Augustin Landier (NYU également) sur la rémunération des dirigeants. Il est de bon ton dans le débat politique actuel, jusqu'à l'UMP, de prendre pour bouc émissaire les « patrons rapaces » et autres capitalistes « sans foi ni loi » pour enfin « moraliser le capitalisme », comprendre égaliser et uniformiser. Or, comme le montre Xavier Gabaix et Augustin Landier, la rémunération des dirigeants est cohérente avec la valeur qu’ils apportent à l’entreprise.

Le constat de départ des auteurs est la multiplication par six de la rémunération des dirigeants entre 1980 et 2003 aux Etats-Unis. Est-ce « excessif » ? Non pour les deux auteurs pour qui la raison n’est pas du tout dans une prétendue « rapacité » ni l’évolution des incentives mais tout simplement dans la multiplication par six de la taille des entreprises qu’ils dirigent. Entre 1980 et 2003, la valeur économique la capitalisation moyenne des 500 plus grosses entreprises cotées a été multipliée par six. C’est l’évolution que l’on retrouve dans la rémunération des dirigeants. Il est intéressant de noter qu’entre 2000 et 2005 (dernière année disponible dans l’étude), on a une dissociation des deux tendances, mais dans le sens inverse à celui que le français moyen pourrait attendre : la capitalisation augmente mais les rémunérations stagnent voire baissent.

Cette analyse fonctionne relativement bien pour les autres pays étudiés, comme l’illustre ce graphique (avec des données légèrement différentes), figurant la rémunération des dirigeants avec la taille des plus grosses entreprises.


Les talents des dirigeants ne sont pas si différents, mais une différence minime a des conséquences énormes sur la rémunération avec l’effet multiplicateur de la taille de l’entreprise. Le postulat de départ, critiquable mais fonctionnant relativement bien, est que les meilleurs CEO dirigent les plus grandes entreprises car c’est là que leurs talents seront les mieux utilisés. Si le 250e CEO par talent remplaçait le 1er à la tête de la plus grosse entreprise, la valeur de l’entreprise ne déclinerait que de 0.016%. Mais cette différence minime justifie une différence de salaire de 500% étant donné ce que ces 0.016% de plusieurs dizaines de milliards représentent !

Une seconde explication avancée par les le reste de la littérature académique déjà existante est l’évolution du métier de patron et en particulier le plus grand risque d’être licencié qu’auparavant avec la plus grande vigilance des actionnaires.

J’ai coupé la partie mathématisation de l’étude qui, en plus d’être peu digeste, aurait rebuté les plus autrichiens ;) On pourrait également trouver beaucoup à redire sur les hypothèses comme celles liant le talent à la taille de l'entreprise. Cela est probablement en bonne partie vraie mais, si la simplification passe dans une modélisation mathématique forcément incomplète, on peut douter qu'il en soit de même dans la réalité. Quid des rémunérations non matérielles comme le prestige, ou des satisfactions morales comme la volonté d'apporter quelque chose au monde de plus durable que des lessives?

En outre, on peut reprocher aux conclusions de l'étude un certain optimisme excessif : les dérives existent et existeront toujours. Cela tient probablement à la volonté des auteurs d'insister sur l'efficacité de leur modèle, quitte à gommer les nuances. Les dérives existeront toujours et la véritable erreur consiste à croire qu'un système parfait puisse exister. Les auteurs soulignent qu'il y a une logique dans l'évolution des rémunérations, c'est déjà beaucoup. Ne croyons pas qu'elle explique tout!

Xavier Gabaix est un économiste français qui enseigne à l’université de Princeton. Il est considéré par le panel de chercheurs de The Economist comme l’un des huit jeunes économistes les plus prometteurs à travers le monde.

Augustin Landier est un économiste français qui enseigne la finance à la New York University. Il a co-écrit avec David Thesmar Le grand méchant marché ainsi que de nombreux articles dans la presse française et internationale.

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Now playing: Jean Ferrat - Ma France
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lundi 12 janvier 2009

Eurobilltracker


Plus encore que les pièces, les billets en euro sont identifiables. Pour les premières, la face nationale des pièces permet de connaître le pays dans laquelle la pièce a été frappée. Pour les seconds, la première lettre du numéro de série permet d'identifier le pays d'émission : T pour l'Irlande, U pour la France, X pour l'Allemagne, Z pour la Belgique. De l'autre côté du billet, un code à 5 éléments, composé d'une lettre, suivie de trois chiffres, puis une lettre et à nouveau d'un chiffre. Il permet d'identifier l'imprimeur et les détails de l'impression.

Avec tous ces éléments permettant de tracer les billets, de nombreux sites se sont créées pour suivre le trajet que faisaient ces billets une fois lâchés dans la nature. Eurobilltracker est l'un d'entre eux, que j'ai découvert récemment. Rien à y gagner mais l'amusement de retrouver parfois un des billets qu'on a eu dans son portefeuille a quelques centaines de kilomètres... ou à la porte à côté.

samedi 3 janvier 2009

Figaro et Vaclav Klaus

Le pastiche du Figaro que Jalons avait fait s'appelait fort à propos Figagaro. La situation ne s'est pas améliorée entre temps et le journaliste Maurin Picard de nous le prouver plutôt deux fois qu'une avec un article (ou plutôt une tribune à charge) sur le président tchèque Václav Klaus.

Dès le titre, le ton est donné, le nom est écorché, preuve s'il en est de la connaissance du sujet par le "journaliste". Le á signifie en l'occurrence que la voyelle est accentuée et correspond en phonétique à /aː/. Mais gageons que Maurin Picard ne se formaliserait pas si on l'appellait Morin Picart...

Le reste de l'article est à l'avenant mais lister les approximations, erreurs et présentations mensongères serait trop long. Passons directement au plus intéressant et révélateur des méthodes dudit journaliste. Pour discréditer Klaus, il ne trouve rien de mieux que citer... la police secrète communiste dans les années 1980. Autant citer la Gestapo pour discréditer les opposants au nazisme.

Pour ne citer qu'une des erreurs suivantes de l'auteur, mentionnons simplement le chapeau de l'article:
Vaclav Klaus, a juré de saboter les efforts du gouvernement de Mirek Topolanek
Oublierait-il que Topolánek (encore une autre erreur d'écriture monsieur Piquar), lorsqu'il a annoncé le slogan polémique de la présidence tchèque de l'Europe (Evropě to osladíme), a reconnu le caractère « volontairement provocateur » de ce slogan qui signifie "nous allons sucrer l'Europe". (Le jeu de mot est impossible à restituer ici mais on pourra lire l'article de Nathalie Frank sur la question ici.

Un seul point positif dans tous cela, Maurin Picard n'utilise pas le terme ultralibéral sauvage et dévoreur d'enfants. Probablement car là encore il ne connait pas les positions de Klaus... Précisions quelques points sur Klaus:

Economiste reconnu sous le régime totalitaire communiste, il réussit à étudier les auteurs non socialistes et s'oppose à l'idéologie du régime en se rapprochant de l'école autrichienne. Klaus de déclarer ainsi : « Hayek a eu sur moi une grande influence. Mais je pense que ce qui m’a le plus appris a été Human Action de Mises, et cela est resté vrai jusqu’à aujourd’hui ». Il est également membre de la Société du Mont-Pèlerin, une prestigieuse société de pensée libérale. Les mesures qu'il a mené cependant sont beaucoup moins libérales que ses écrits, là encore malgré les affirmations hâtives du "journaliste" du Figaro.

Enfin, s'il déclence tant de réactions enragées, c'est car il dit avec force que l'environnement ne doit pas servir de nouveau prétexte à la mise en danger des fondements des démocraties libérales actuelles. Point de vue qu'il a amplement développée et qu'il résume par « la menace communiste a été remplacée par celle d’un environnementalisme ambitieux ». Le réchauffement climatique, comme toute question scientifique ne doit pas être un dogme. En hurlant avec les loups qui voudraient faire taire toute voix dissidente, M. Picard rend un très mauvais service à l'environnement, que seul le progrès scientifique peut durablement aider, et à la liberté d'expression.

Pour compléter :